Des syndicalistes palestiniens à Nantes et Rezé

Soirée débat avec des syndicalistes palestiniens du GFIU 
Organisée par l’AFP solidarité 44, les amis d’Abu-Dis, UD CGT, Solidaires et la FSU.
 

Mahmoud Ziade (secrétaire du GFIU) :
Les travailleurs palestiniens ont besoin d’un permis pour travailler. Ce sont les autorités israéliennes qui à travers ce permis décident des emplois nécessaires et des lieux d’activités. Les secteurs d’activités les plus importants sont le bâtiment et l’agriculture.
Les droits au travail sont quasi inexistants et les autorités israéliennes imposent tout, discriminent et restreignent les libertés des travailleurs palestiniens.
Il existe un syndicat israélien (Histadrout) qui impose une taxe aux travailleurs palestiniens sans les représenter et sans que leurs droits ne soient défendus. Les travailleurs palestiniens sont en quelque sorte en situation de servitude imposée. L’adhésion à Histadrout relève d’accords entre les autorités israéliennes et palestiniennes. Les travailleurs sans permis sont en permanence menacés de dénonciation ou de prison. Depuis le début de l’année 800 travailleurs « illégaux » ont été arrêtés. Les arrestations sont musclées et il est fait usage de chiens, de filets, … Le taux de chômage est de 32 % en Cisjordanie et atteint 60% pour les jeunes à Gaza. 19 % des femmes travaillent.
Le syndicat GFIU se déclare opposé aux ingérences de l’état d’Israël. Les autres syndicats de travailleurs palestiniens ne font pas référence à la servitude et la domination pourtant imposées par les autorités israéliennes. Ils n’appellent pas aux actions et manifestations. Ils disent également que le boycott (BDF) n’est pas bon pour les palestiniens.
La loi de « l’état nation juif » (2018) aggrave la situation, ne laisse pas de place aux palestiniens, ne leur accorde pas la citoyenneté. La colonisation renforce le pouvoir de l’état israélien et sa politique d’apartheid au détriment notamment des palestiniens et de leur gouvernement.
Il y a de nombreuses manifestations en Cisjordanie et dans la bande de Gaza pour réclamer davantage de protection et des droits au travail. Le GFIU soutient et participe à ces manifestations. Quelques avancées ont été obtenues par exemple en 2013 pour ce qui concerne le salaire minimum. Mais ces dispositions ne sont pas encore appliquées partout et le combat se poursuit.
Des rencontres comme celles de ce soir sont importantes car nous avons besoin d’acquérir des connaissances et des expériences syndicales. Nous sommes partants pour bâtir des projets avec vous, car nous avons besoin de réciprocité dans notre lutte contre le libéralisme. L’histoire des conquêtes sociales nous montre que le mouvement syndical finira par triompher.
Dua Qurie (enseignante) :
J’enseigne à Abu-Dis ville de 70 000 habitants située à 3 km de Jérusalem. La construction du mur empêche tout accès à Jérusalem et a de forts impacts sur la population et les familles en termes de santé (il n’y a pas d’hôpital à Abu-Dis et il faut 2 heures pour aller à Ramallah) et d’éducation. Abu-Dis est en zone C (division administrative des territoires occupés) et la construction de nouvelles écoles est rendue impossible. Outre cette difficulté de taille, il faut savoir qu’en 2018, 95 enseignants ont subis des violences et 600 étudiants ont été blessés. Des cours n’ont pas lieu car les
professeurs se retrouvent retardés car bloqués dans les check-points. Les permis de travail leur sont attribués au jour le jour avec beaucoup d’incertitude sur l’enseignement qu’ils peuvent prodiguer. Tous les étudiants ne peuvent pas être accueillis à Abu-Dis et sont obligés d’aller à Jérusalem avec beaucoup de temps perdu dans les check-points.
Ces conditions rendent difficiles l’enseignement. A Gaza, les problèmes sont encore plus criants. Le programme scolaire est imposé par Israël et l’identité culturelle palestinienne est fortement mise à mal et combattue par les autorités israéliennes.
Question : Dans le contexte difficile que vous nous décrivez, quelles sont vos priorités, contre qui luttez-vous ?
Le GFIU défend les travailleurs palestiniens face au patronat quel qu’il soit. Nos priorités c’est la défense des droits, c’est l’égalité des femmes, la protection des pauvres, la lutte contre la réquisition des terres, …
Question : Quelle est l’organisation du GFIU ?
Ca n’est que depuis 1994 qu’il existe quelques dispositions permettant l’existence de syndicats. Avant, les militant étaient arrêtés et mis en prison. Mais il n’y a pas vraiment de protection des militants. Il faut avoir un casier judiciaire vierge pour être responsable syndical, c’est à dire ne jamais avoir été arrêté, ni avoir été prisonnier pour quelle que raison que ce soit.
Le GFIU tient un congrès général tous les 4 ans qui désigne un comité exécutif de 7 membres. Nous n’avons pas de local syndical, ni de soutien financier. Le fonctionnement repose essentiellement sur le bénévolat.
Question : Y a-t-il des actions particulières du fait de l’importance du nombre des travailleurs pauvres et précaires ?
Il y a de nombreuses manifestations et grèves et ce qui est notable dans ces actions, c’est la participation des mères palestiniennes qui soutiennent ces actions, tant la solidarité familiale est forte et tant le courage des femmes est fort.
Question : Votre avis sur le BDS ?
Nous sommes en faveur de toutes les formes d’opposition à l’état d’Israël et à sa politique de colonisation. Nous ne sommes pas hostiles au peuple israélien, mais à son gouvernement. Nous sommes pour toutes les formes de soutien au peuple palestinien.
Question : Y a-t-il des possibilités de négociation avec le patronat ou l’état palestinien ?
Les négociations avec l’état palestinien sont souvent refusées. A titre d’exemple, il y a 2 ans il y a eu une grève avec un nombre important d’enseignants qui a duré 45 jours. Le gouvernement a refusé de discuter avec les représentants de ces enseignants parce qu’il ne les reconnaissait pas comme légitimes puisque ne faisant pas partie des syndicats « officiels ». La grève n’a permis que très peu d’avancées en l’absence de discussion possible.
Question : Y a-t-il des organisations, associations, syndicats anti capitalistes en Israël ?
Histadrout n’est en réalité pas un syndicat car il ne reconnaît pas les droits des palestiniens et de plus il est associé aux agissements de l’état d’Israël. Un vrai syndicat s’oppose à toute discrimination, exploitation.

Ashraf M.Ibdah (entreprise de distribution de l’électricité) :
Le syndicat des électriciens a été crée en 2003. Il comprend 3 sections : cadres, maitrise et exécution. 25% des électriciens sont syndiqués. Le mur rend également plus difficile l’activité syndicale. Le syndicat gère un centre de formation pour les 3 catégories de personnel (cadres/maitrise/exécution). Ce centre est le 1er centre de formation de Cisjordanie et est agrée. Les admissions se font sur concours.
Les membres du syndicat espèrent développer des coopérations avec les syndicats français, être soutenus dans leurs actions de formation, dans l’évolution des diplômes, dans la modernisation du centre de formation, sur les questions de sécurité, ...Ils regrettent que la visite de la centrale de Cordemais ait été annulée car ils auraient apprécié de rencontrer d’autres électriciens et de découvrir une unité de production dont ils ne disposent pas en Palestine, la production étant aux mains d’Israël.
Question : Quel avenir pour l’agriculture avec la colonisation ?
En zone C, 60% des terres sont contrôlées par Israël. Les agriculteurs sont agressés et menacés au quotidien. Arrachages des oliviers, destruction des chemins, …